La Maison d’Enfants à Caractère Sociale (MECS) « Home Saint-Jean » à Mulhouse accueille en internat des enfants de 3 à 18 ans. Le 20 novembre 2025, Résonance, Association gestionnaire de la MECS, a organisé à l’issue de son Conseil d’Administration une rencontre avec Camille Sanfilippo, référente parrainage à l’UDAF 68 (Union Départementale des Associations Familiales) et Florent Wurth, un des tout premiers parrains d’un enfant du Home Saint-Jean de Mulhouse, qui a livré un témoignage riche de sens.
Rodolphe du Gardin, Directeur du Home Saint-Jean de Mulhouse, a introduit la notion de parrainage, dispositif clé pour les enfants en situation de parcours long.
Les éducateurs, chefs de service et Directeur du Home Saint-Jean travaillent en termes de parcours, notion qui va de pair avec la mise en place du parrainage. En effet, Rodolphe du Gardin explique que « lorsqu’on intègre un enfant dans notre établissement, on se pose toujours la question du parcours, long ou court ? : Si c’est un parcours court, ça veut dire qu’il y a une potentialité de retour en famille, ça peut être à 6 mois, à 2 ans, à 3 ans, à 4 ans, à 5 ans, mais tous les 3 mois, on va se reposer la question, on va rebalayer toutes nos situations et on va à chaque fois se poser la question : qu’est-ce qu’on fait pour cet enfant ? ».
L’objectif pour les enfants en situation de parcours long est de leur offrir un ancrage affectif, au-delà du placement, parce que « la limite à ce qu’on peut apporter, nous, professionnels de l’éducation, c’est notre contrat de travail ». En effet, si un éducateur décide de partir, quid de la relation affective qu’il aura créée avec l’enfant qu’il accompagne ? Le parrainage apporte une réponse à cette problématique puisque les parrains, ces bénévoles extérieurs, vont s’engager dans la durée pour accueillir un enfant, le temps d’un weekend ou de vacances. Ils vont le suivre dans son évolution, dans sa scolarité, lui apporter cet ancrage affectif tant recherché et cela va donc bien au-delà du placement.
Un dispositif complémentaire aux actions des éducateurs
Camille Sanfilippo, référente parrainage à l’UDAF, qui met en relation les enfants et les parrains, explique que « lorsque l’on parle de parrainage, on parle du besoin d’attention, d’ouverture, et ce besoin de grandir auprès d’autres personnes, de tiers avec des repères. Et nous, on s’est concentrés sur le public des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance, qui ont effectivement ce besoin ». Le dispositif proposé par l’UDAF sous la dénomination de « Parrains Marraines d’Alsace », est « un dispositif complémentaire aux actions d’accompagnement déjà engagées par les professionnels » des établissements d’accueil. En effet, « on ne peut rien faire sans les établissements et les équipes éducatives, (…) c’est eux qui savent, qui peuvent nous aiguiller sur le choix des parrains-marraines. Même si nous avons validé la candidature, on ne fera rien sans l’avis de l’établissement puisque ce sont les équipes qui connaissent l’enfant. Ce sont eux qui sont proches de l’enfant. »

La « procédure d’évaluation » du parrain, en amont de tout parrainage, est importante afin d’éviter les ruptures, qui est l’enjeu principal du dispositif. Tout d’abord, l’UDAF va « tisser le contexte familial, travailler le projet de parrainage, avoir une vision de leur vie, de ce qu’ils peuvent apporter à l’enfant et nous sommes déjà assez transparents avec les candidats sur l’engagement que cela représente, sur la durabilité, la rythmicité et ce que cela peut effectivement impliquer. Ce n’est pas toujours tout beau, tout rose puisque ce sont des enfants qui ont des besoins spécifiques ». Camille Sanfilipo s’efforce en effet de dépeindre auprès du futur parrain la réalité du parrainage, les bons moments et ceux plus difficiles. L’équipe de « Parrains Marraines d’Alsace » va « questionner le projet de parrainage, la capacité de communication, l’ouverture d’esprit, les notions de tolérance, de non-jugement ». Pour Camille Sanfilippo, la notion de durée est importante. C’est la première notion abordée : l’engagement « c’est jusqu’à la fin de la convention aux 18 ans de l’enfant, et le lien doit perdurer après les 18 ans. C’est vraiment un projet de vie, c’est suivre le projet de vie de l’enfant. » En outre, « la question du respect de l’autorité parentale, du soutien, de la place de la vie privée et de chacun est d’une importance primordiale. Le parrain, la marraine ne sont pas les représentants de l’autorité parentale. Les enfants ont des parents ou représentants légaux, les parents/marraines n’ont pas accès à ces choix, à ces décisions. »
Florent Wurth, parrain de A. : « C’est une vraie découverte de l’autre, mais aussi de moi-même ».
Florent Wurth, parrain de A., adolescent accueilli au Home Saint-Jean, témoigne de sa rencontre avec son filleul : « J’avais plutôt en tête de parrainer un plus petit parce que je me suis dit que j’aurais plus d’impact et que je pourrais faire davantage de choses. Et puis en fait, on m’a présenté un plus grand. Je me suis dit « je m’adapte ». Et j’ai eu bien raison. Ce n’était pas tout le temps simple, ce n’était pas tout le temps facile, mais on a réussi à harmoniser les choses. On a commencé par faire des sorties culturelles au cinéma. ». Pour l’anecdote, les choix de films au cinéma étaient au départ parfois un peu difficiles à faire, pour correspondre aux envies de chacun : « Maintenant on va voir un film qu’il choisit et un film que moi je choisis. C’est une fois un film de David Lynch et puis l’autre fois c’est les Gardiens de la Galaxie. Je découvre aussi, donc j’apprends. (…). On arrive à trouver un juste milieu, un équilibre. C’est tout à fait agréable. On arrive aussi à s’adapter l’un à l’autre parce que nous ne sommes pas très démonstratifs, ni lui, ni moi. Donc on sait qu’on est là (…) l’un pour l’autre, parce que je sais que je peux compter sur lui, sur sa confiance, et lui peut compter sur moi aussi. Et il sait qu’après ses 18 ans, je serai toujours là”. Le duo a réalisé plusieurs voyages, visité des musées. À ce moment-là, A. « était vraiment en recherche de culture, de savoir, d’ouverture d’esprit, de découverte. Et c’est exactement ce que j’avais envie d’apporter, à ce moment-là en tout cas, puisque je suis enseignant ».
L’adaptation peut être difficile pour l’enfant, mais pour le parrain également et chacun apprend de l’autre, comme l’explique Florent Wurth : “les enfants que je vois, les 120 par an, c’est un rapport de professeur à élève. J’ai très vite compris que ça n’allait pas se passer comme ça avec A. Il me fallait donc un temps d’adaptation pour moi aussi. J’ai appris (…) à voir l’adolescence d’une autre manière. Et je dois dire que cela m’a apporté – même dans mon métier, car je suis beaucoup plus souple en classe.”.
Pour ce qui est de la fréquence des rencontres parrain/filleul: “on s’adapte et on ne s’impose pas une régularité. Il faut que cela reste, en tout cas pour nous, entre nous, naturel”.
Merci à nos interlocuteurs pour leur témoignage.

